Thème « Maghreb »
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Il a fallu faire le tour, dire au revoir à Grand-mère Hanna, aux oncles et aux tantes, à Rosette et son mari Edmond, à la cousine Josette et sa soeur Yvonne, sans oublier tous les autres. Alors, seulement, Simon et sa famille ont pu quitter l’Algérie et venir s’installer à Paris en 1956. Simon découvre un nouveau monde. Le métro aérien et la fête foraine, les premiers yaourts et l’odeur écoeurante de la cuisine au beurre, les colonies de vacances, et, surtout, la télévision « un cadre et y a un fil et c’est branché » qui diffuse en Eurovision les matchs de foot et les combats de catch « truqués, j’te dis » entre l’Ange noir et le Bourreau de Béthune… Six belles années plus tard, il faut songer à repartir, déménager en banlieue, à Champigny « chez les communistes ». Simon a 14 ans, une autre vie l’attend.
Gil Ben Aych a très bien connu Mémé l’Étoile, puisqu’il s’agit de sa propre grand-mère, une vieille dame juive pied-noir aux idées bien arrêtées et à la langue ensoleillée. Il en a fait l’héroïne de son roman Le voyage de Mémé (Neuf), et l’un des personnages de L’essuie-mains des pieds (Médium).
Casablanca, Maroc, 1969. La famille de Zima est une famille comme tant d'autres, nombreuse, unie, chaleureuse. Une famille musulmane plutôt plus libérale que les autres : quand les parents apprennent que Zima, huit ans, s'est enfuie de l'école coranique parce que le maître y frappe ses élèves, ils ne l'obligent pas à y retourner. Une famille plus égalitaire, aussi, où le père participe aux tâches domestiques. Une famille où l'on cultive le goût du savoir, de la discussion et de l'écoute. La vie pourrait être tranquille, mais voilà, dans ces années où partout autour du monde fleurissent des idées nouvelles et des espérances folles, Amrar, le frère aîné de Zima, se met à sortir la nuit avec des cartables bourrés de papiers, il refait le monde avec des amis, il rédige un journal clandestin qui parle de pays où les travailleurs sont respectés, où la parole est libre et où la télévision montre autre chose que les faits et gestes du roi... Et une nuit, Amrar ne rentre pas.
C'est comme militante d'Amnesty Internationnal que Joke Van Leeuwen a eu connaissance dans les années 70 du dossier d'un étudiant marocain emprisonné pour délit d'opinion et avec qui elle a échangé de nombreuses lettres. Elle est devenue amie avec la famille du garçon, dont sa soeur, Malika Blain, qui vit aujourd'hui en France et l'a autorisée à raconter l'histoire à partir de ses souvenirs.
– Mais comment on va là-bas ?
– En bateau ou en avion, on peut pas autrement, c’est la mer qu’elle nous sépare de la France, on peut autrement tu crois, on peut pas !
– Non ma fille, moi dans le bateau ou l’avion, jamais de la vie ! Mon coeur fendu en deux si je fais ça, impossible, je prends pas, ça suffit tout ça…
– C’est pas possible maman, il faut qu’on trouve une solution !
Quelle solution a-t-on imaginée pour que Mémé l’Étoile quitte l’Algérie et rejoigne le reste de la famille déjà « rapatriée » de Tlemcen en France ?
Mémé accepte de retracer pour eux le long chemin de l’exil, mais à condition qu’on ne lui coupe pas la parole à tout bout de champ, sinon c’est plus le charme de raconter, d’accord ?
Il y a quelques jours encore, la vie d'Elmir était une vie normale. Le matin, dans le tramway qui l'emmenait au collège, il faisait du troc avec son meilleur ami, Ismène. Ensemble, ils allaient manger les beignets de la vieille Nourrédia. Le soir, il jouait avec Naïa, la fille des voisins. Et puis les attentats ont commencé, et bientôt la ville s'est trouvée prise dans un étau entre la terreur que font régner les « Combattants de l'ombre » , le couvre-feu, les contrôles permanents. Elmir n'a plus le droit d'aller seul au collège. Son père, qui est journaliste à La liberté, est menacé. La bibliothèque où travaillait sa mère a été incendiée. Une nuit, Elmir sort en cachette, prend son vélo et se rend à la bibliothèque. Quelques heures plus tôt, dans la cour noircie, il a repéré un livre qui avait échappé aux flammes: Les aventures du capitaine Hatteras de Jules Verne. Il veut le récupérer pour l'offrir à sa mère, qui est à l'hôpital et qui n'a pas ouvert la bouche depuis l'incendie. Elmir se cache à l'approche d'un voiture. Il voit trois hommes sortir de l'obscurité et faire feu. Il vient d'assister sans le savoir à l'assassinat du rédacteur en chef de La liberté. Et il a reconnu l'un des meurtriers, c'est le frère aîné d'Ismène. Mais le cauchemar est loin d'être terminé. Quelques jours après que son père a accepté de reprendre le poste de rédacteur en chef, Elmir est séquestré toute une nuit par des hommes cagoulés qui veulent obtenir la publication d'une lettre. Dès lors, la vie ressemble définitivement à un enfer. Il faut déménager sans cesse, en abandonnant tout sur place. Il ne faut donner son adresse et son numéro de téléphone à personne. Elmir continue d'aller au collège, mais sous bonne garde. Naïa, dont le père a lui aussi reçu des menaces, va partir pour la France. Elmir se sent seul, il étouffe, pris dans une tempête qui semble ne jamais devoir finir. Pourtant, un jour, le répit viendra pour son père et pour lui grâce à Nourrédia, la marchande de beignets, qui leur trouvera un refuge.