A l'occasion de la réédition de "MINIE MALAKOFF", IRENE SCHWARTZ RACONTE :
C'était mon premier livre. C'est Michel Gay qui m'avait suggéré d'écrire, un soir, à dîner… Il disait : « Je suis sûr que tu saurais raconter des histoires ». L'idée ne m'avait jamais effleurée, elle me semblait même extravagante et puis quelques jours plus tard j'ai essayé. J'ai écrit le premier jet en une semaine. Sur un cahier. C'était facile, j'ai cru que tous les livres s'écrivaient en une semaine… Ensuite, j'ai parfois mis deux ans, même pour un album ! Et quatre ans, pour « Comment j'ai sauvé mon village ». Je ne suis pas rapide, c'est très difficile de faire un livre. Trouver une bonne histoire et ensuite trouver le ton pour l'écrire.
Michel avait dit aussi : « Si tu écris une histoire, je ferai les dessins ». Et Michel a dessiné ses souris. Je les adore. Elles sont un peu canaille, un peu crasseuses, de vraies jolies souris des villes. En fait, « Minie Malakoff » est une histoire vraie. Je prenais le métro tous les jours pour aller au travail et un jour j'ai aperçu une Minie minuscule se balader entre les rails. Et ressortir vivante après le passage de la rame. J'ai décidé de raconter la vie des souris du métro. Une enquête sociologique. Je me suis documentée sur le métro à la RATP, et à Pasteur, sur les souris. J'ai même pris en pension deux souris noires pour les observer. Elles attendaient des petits. Un soir naquirent huit souriceaux roses avec des gros yeux et le lendemain matin, neuf de plus…. On aurait dit 17 hippopotames miniatures. Pendant longtemps, prise au jeu de mon histoire, comme les enfants, j'ai collé mon visage contre la vitre du wagon, fascinée par l'univers obscur du tunnel.
J'ai écrit trois histoires de Minie Malakoff parce que je m'attache aux personnages, je deviens leur biographe, je dois raconter leur vie. Quand il me semble que j'ai tout dit, j'invente de nouvelles personnes qui vivent d'autres aventures dans dautres univers.
En fait, mes personnages évoluent dans deux décors, la montagne et Paris. Je suis née à Paris, c'est mon village. La montagne, c'est le paysage de mes rêves. Je passe de l'un à l'autre. Parfois, je prends des vacances, je m'échappe à la montagne… en restant à mon bureau. « Minie Malakoff », c'est Paris, « Toxinette », cest Paris, le documentaire que je prépare pour Archimède, c'est encore Paris. Les « Mariette et Soupir », c'est la montagne, « Comment j'ai sauvé mon village » aussi.
La seule histoire qui pourrait se dérouler n'importe où, n'importe quand, cest « Tristan est amoureux », mon dernier livre, de nouveau illustré par Michel Gay.
Au passage, « Minie Malakoff », c'est aussi une histoire d'amour. Minie a deux hommes dans sa vie. Pauvre Mickey Babylone, détrôné par le coquet souriceau blanc échappé de l'Institut Pasteur ! J'aurais bien continué à écrire les aventures de Minie, mais Michel Gay avait trop à faire avec ses « Valentine » et ses « Biboundé », il n'avait plus le temps !
Il m'est resté une petite nostalgie secrète pour cette souris bigame, chef de bande, trouillarde à ses heures. Alors le fait que le livre paraisse à nouveau me ravit. C'est un cadeau. Cet été déjà, Minie avait fait une réapparition prémonitoire dans ma vie. Tandis que le tapis roulant du long couloir de Montparnasse m'emportait vers mon destin, j'ai failli me casser la figure d'émotion : j'ai cru apercevoir le nom de Minie Malakoff sur le grand mur peint qui raconte l'histoire du métro. Je suis repartie en sens inverse. J'avais bien lu « Minie Malakoff » écrit en rouge, juste sous « Zazie dans le métro » !
En relisant ces livres des années plus tard, je les trouve pleins d'une allégresse et d'une insouciance qui m'étonnent. Scoop à propos de Minie ! le 5 décembre 2003, nouveau coup au c'ur : elle se promenait sur le ballast, à Montparnasse Bienvenue, comme il y a vingt ans ! Ou peut-être son arrière-petite-fille… En tout cas, même taille, même couleur, même station !